27 novembre 2010 | Education
ERS : « Ces jeunes sont perçus comme des bêtes curieuses »
Le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, a annoncé lundi des pistes pour améliorer le fonctionnement des établissements scolaires de réinsertion (ERS), mis en place depuis quelques mois. A Nanterre, la création d’un ERS le mois dernier fait grincer la municipalité de gauche. Zacharia Ben Amar, élu de Nanterre en charge de l’éducation dénonce les dysfonctionnements de cet ERS. Entretien
Vous reprochez à Isabelle Balkany, en charge des affaires scolaires au conseil général des Hauts-de-Seine d'avoir choisi Nanterre pour installer un ERS. Pourquoi ?
On a utilisé la création des ERS dans les Hauts-de-Seine comme un instrument de communication. Au 1er juillet 2010, est sorti le décret sur la création des ERS. Dans un premier temps, il a été décidé d’en créer un à Colombes, dans une ville socialiste. Le collège ayant été victime d’un incendie, Isabelle Balkany a dû trouver une solution en catimini. Elle tenait à ce que l’ERS soit crée le plus rapidement possible, étant donné que l’inauguration par Luc Chatel était déjà prévue pour le 14 octobre.
Elle a alors décidé d’installer cet établissement de réinsertion scolaire à Nanterre, ville d’union de la gauche, sans aucune concertation des partenaires ou de la ville. Pourtant, on ne peut pas dire que les villes de gauche soient pléthoriques dans le département des Hauts-de-Seine. Isabelle Balkany n’a tout simplement pas voulu embêter ses camarades de droite qui ne voulaient pas de ces ERS.
Elle s’est alors rendue dans le collège Jean Perrin avec des architectes. Le lendemain, les ouvriers étaient là, et en 48h tout était terminé. Mais suite à une mobilisation des parents d’élèves et des enseignants, le ministre n’est pas venu le 14 octobre. L’inauguration a alors été déplacée au 29 novembre.
Isabelle Balkany n’a donc pas agi selon vous dans l’intérêt général ?
Elle est maire adjointe à l’éducation de Levallois. Je considérais jusqu’à présent qu’elle connaissait bien son métier. Mais sur cette affaire, elle a une attitude purement politicienne et une démarche électoraliste. Elle retire des enfants en difficulté d’un endroit pour les mettre dans un autre endroit de même nature. Et en même temps, elle éloigne le problème. Sa vision des choses a été la même sur la question des rythmes scolaires. Quand on lui a expliqué qu’il était compliqué pour les enfants issus de milieux défavorisés d’avoir une concentration du travail sur quatre jours, elle nous a fait comprendre que ça marchait pour ses enfants à Levallois et qu’elle n’allait pas créer un système pour les 10% de pauvres de Nanterre.
En fait, sur le fond, c’est la décision de placer les jeunes issus de milieux défavorisés dans un environnement déjà fragile que vous contestez…
Oui. Si on regarde les textes, le principe d’un ERS est de retirer un enfant en difficulté de son environnement. Or, ces enfants placés dans l’ERS de Nanterre retournent à 16h30 dans le même type d’environnement.
Et puis, l’autre problème est qu’il y a aujourd’hui cinq enfants dans cet établissement de réinsertion scolaire, alors qu’il a une capacité de 16 places. Sur les quatre postes d’encadrement promis, il n’y en a qu’un. Or, les bases d’encadrement d’enfant, c’est deux personnes. Si demain, nous accueillons plus d’élèves, rien ne nous dit qu’il y aura plus de personnel.
Ces élèves sont par ailleurs perçus comme des bêtes curieuses par les autres. Ils ont une entrée séparée, mangent séparément, et ont leur récréation séparément.
Luc Chatel souhaite un meilleur encadrement des personnels de ces ERS. Il doit venir inaugurer l’ERS de Nanterre le 29 novembre. Qu’en attendez-vous ?
On a l’impression que rien ne va bouger. Les parents d’élèves et enseignants sont toujours mobilisés. Nous allons redire aux autorités du conseil général qu’il n’est pas acceptable de fonctionner comme cela. Le conseil général a mis les moyens, mais là on ne peut pas travailler comme ça, et continuer à segmenter la population.
Je suis vraiment en réflexion. Sans vouloir excuser ces jeunes de Seine Saint-Denis qui ont donné des claques aux autres enfants, est-ce qu’on ne peut pas se demander si ce n’est pas justement parce qu’ils étaient réunis et cloisonnés que cela s’est passé ? Ce phénomène de groupe n’y a-t-il pas contribué ? je crois qu’il vaudrait mieux éparpiller ces enfants dans d’autres établissements qui vont beaucoup mieux.
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